J’étais en uniforme noir

18 avril 2020

Dialogue Mère – Fille : deux réalités 

La fille , des années plus tard …

Je l’imagine
Toute sérieuse , attentive,
Tout de noir vêtue,
Arriver dans ce monde inconnu,
Se répétant qu’elle a de la chance pour retenir ses larmes.

La mère, de son côté “J’étais en uniforme noir “dans le bureau de réception de la directrice du lycée de jeunes filles de Lisieux, lycée Guizot.
Pièce intime dans laquelle la femme élégante au chignon parfait recevait les familles des élèves. Avec politesse et condescendance, elle écoute mère et fille vêtues de noir, assises face à elle, derrière son bureau de style. Mon père venait de mourir, le 10 septembre 1955 et je rentrais au lycée, en seconde, en tant que pensionnaire boursière.
Nous étions venues en train, avions traversé la ville quasiment inconnue à pied. La porte d’entrée de l’établissement ressemblait à un porche de maison bourgeoise. Ce n’est pas à destination de Lisieux que nous prenions le train ordinairement mais de Caen où, de temps à autre, j’allais avec ma mère faire les boutiques, de tissus surtout pour la confection des robes, des jupes aux teintes claires. Mais le temps n’était plus aux couleurs.
Mon père est mort âgé de 52 ans, à 1 heure, dans son lit, dans la grande chambre du premier étage de la maison. Une escarbille, échappée de la cheminée de la locomotive à vapeur qu’il conduisait, a provoqué au pavillon de l’oreille droite un bobo insignifiant, non traité qui est devenu, bouton puis pustule, ensuite tumeur qui à nécessité une intervention chirurgicale à l’hôpital de Suresnes. En finalité une plaie énorme sous un bandage entourant toute la tête. Tout au long du dernier été, ma mère effectua courageusement le pansement qui, de nos jours, serait réalisé par un spécialiste médical. Cette lourde tâche s’ajoutait aux soins apportés à la petite de plus d’un an, à l’entretien de la grande maison sans eau courante. De longues journées de labeur, d’inquiétude, de chagrin bientôt.

Qu’est-ce qu’une rentrée scolaire à l’internat après coup ? Une organisation à prévoir, sans appréhension, une obligation consentie, voire heureuse puisqu’elle donnait accès à un suivi scolaire. Dans le grand dortoir d’une trentaine de lits, séparés par une allée centrale comportant au milieu le box de la surveillante nullement déplaisante, les nuits sont calmes et silencieuses. Toute cette jeunesse obéit sans rechigner, mange au réfectoire, se rend en classe, travaille en études du soir, revêt sa blouse bleu clair, se promène en rangs coiffée du béret écossais, le jeudi après-midi. J’en ferai peu de ces sorties car très vite je prendrai le train à la mi-semaine et le samedi après 16h pour rentrer à la maison. La SNCF m’offrait la liberté. Je n’ai pas eu de liaisons affectives avec mes compagnes pensionnaires mais des préférences pour quelques unes. Plus jeune d’une année, j’écoutais, je découvrais. Certaines se démarquaient par des drôleries, des pitreries qui suscitaient des rires fous, toujours les mêmes. Filles de vétérinaires, de directeurs d’entreprises, aucune ne suscitait en moi l’admiration ou le désir, aucune ne se montrait moqueuse, arrogante, méprisante. Toutes dans un même moule.
J’y passais ainsi trois ans. Ma vie de lycéenne s’organisait bien rythmée, sans souffrance, sans ennui, en se contentant de ce qui était possible, en appréciant plus ou moins les cours, selon les matières, les enseignantes, en réussissant plus ou moins bien.

C’est ainsi que j’apprenais le monde.

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